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La jeunesse identitaire migre au cœur du Lion

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Article de Cyprien Mercier paru le 19 Octobre 2024 dans le Courrier de l'Ouest.

Dessin : Rik



Le Café des sports du Lion-d’Angers, tenu pendant trente-trois années par Katia, a baissé le rideau à la fin de l’année 2023, quand la patronne a décidé de s’en aller vers une retraite méritée. « Le Café des sports, c’était un lieu un peu vieillot, dans son jus mais historique » décrit Étienne Glémot, maire LR de cette commune peuplée d’un peu plus de 5 000 âmes. « Beaucoup d’anciens s’y retrouvaient, c’était un endroit assez calme, les gens qui le fréquentait s’appréciaient ».


Près d’un an plus tard, l’enseigne rouge vif est toujours perchée au-dessus de l’entrée du 41 rue du Général-Leclerc, artère lionnaise parsemée de commerces. Sous la pluie automnale, la façade décrépie, les stores usés et la boîte aux lettres anonyme donnent un air morose à l’ancien bistrot. Il paraît abandonné. Il ne l’est pourtant pas complètement. Il devrait même revivre très bientôt.


La rumeur a commencé à courir les rues lionnaises au printemps dernier. Un nouveau locataire se serait accordé avec le propriétaire des murs pour reprendre l’ancien café. Cette rumeur est rapidement devenue vérité. Un bail a été signé mi-mai. Et le nom du repreneur a été dévoilé. Louis Guimon. 


Rapidement, ses liens avec le milieu identitaire angevin, avec Jean-Eudes Gannat notamment (leader de L’Alvarium, groupe identitaire dissous), ont été mis au jour. S’il s’est d’abord défendu de toute connexion avec cette tendance nationaliste - déclarant notamment à nos confrères de Ouest-France, « je n’ai aucun lien avec lui [Jean-Eudes Gannat, N.D.L.R.], je le connais de nom en tant que personnalité locale publique » -, Louis Guimon est rapidement revenu sur ses pas et paroles, car confronté à des photos diffusées par le Raaf (Réseau angevin antifasciste). Des images sur lesquelles le nouveau locataire de l’ex-Café des sports s’entraîne à la boxe avec de jeunes identitaires dans un cas, participe à un attroupement de rue dans l’autre.


L’identité du locataire connue, restait à connaître l’usage qu’il entendait faire de ce local situé au cœur du Lion. Cette incertitude a fait naître des craintes chez certains Lionnais, qui ont décidé de se réunir dans un mouvement baptisé Collectif pour le bien vivre ensemble au Lion-d’Angers. « Le collectif est né quand l’information de la signature du bail et du nom du locataire nous est parvenue » remonte l’un de ses membres. Le collectif réunirait une quarantaine d’habitants tournés vers différents objectifs : « Obtenir la non-ouverture du local, sensibiliser la population, continuer à vivre paisiblement, quelle que soit son origine ou son orientation sexuelle ».

Le collectif, qui se définit comme « pacifique, mixte et apartisan » a organisé une manifestation le 26 juin dernier. Elle a réuni plus de 200 personnes, opposées à l’implantation de l’ultra-droite au Lion-d’Angers. « On craint la diffusion de messages de haine » développent les membres du collectif d’habitants. « Ils vont amener leur discours séparatiste, fait d’incitation à la haine. On ne veut pas que nos enfants soient confrontés à ça. Nous ne voulons pas nous sentir visés, agressés, parce qu’en désaccord avec leurs opinions ». Concrètement, les opposants à l’implantation des identitaires au Lion-d’Angers craignent les discours « racistes, anti-immigration, homophobes » qui peuvent être portés par cette mouvance.

Les membres du collectif se réfèrent notamment aux arguments qui avaient conduit le gouvernement à dissoudre, en novembre 2021, le groupement de fait l’Alvarium. Le décret de dissolution pointait notamment les liens entre l’association angevine et les « groupuscules appelant à la discrimination, à la violence ou à la haine contre les étrangers dont il partage et promeut l’idéologie xénophobe ». Il justifiait la dissolution par le « discours de haine assumé » du groupe identitaire propre à « attiser les antagonismes » et « les passages à l’acte violent ».


En plus de cette décision étatique de dissolution, la vie de l’Alvarium à Angers a été marquée par un rejet fort, notamment par les mouvements antifascistes locaux. Le premier local du groupe identitaire, ouvert en 2018 avenue Pasteur, a été la cible de dégradations et de manifestations. Même chose pour le suivant, rue du Cornet, où des affrontements entre identitaires et antifascistes ont été constatés à plusieurs reprises. Ce dernier local avait finalement été fermé par arrêté préfectoral. Le bar Le Bazar enfin, lieu de réunion des identitaires, avait à son tour été dégradé à l’occasion d’une manifestation contre l’extrême droite, en juin 2024. Poussée hors d’Angers, la jeunesse nationaliste pourrait, en s’établissant au Lion-d’Angers, avoir trouvé un moyen de poursuivre ses activités dans un environnement, a priori, plus serein.

Contacté, le locataire de l’ex-Café des sports, Louis Guimon, conteste fermement cette idée (lire ci-dessous). Le jeune homme affirme que le local lionnais « ne sera pas occupé par un mouvement politique » mais aura « une autre vocation ». Le maire Étienne Glémot assure lui « ne pas connaître le projet » qui prendra place au cœur de sa commune. « C’est un projet privé et, quand c’est privé, je n’ai aucun pouvoir ». L’édile note néanmoins qu’il s’agit là d’un « sujet de haute vigilance » pour tous les élus et que, « comme pour tout projet au Lion, je ferai respecter la loi ». Étienne Glémot complète : « Je n’ai pas d’avis sur un projet que je ne connais pas, mais j’en ai un sur la politique du Lion : rassembler les gens, supprimer les clivages et renforcer le centre-ville au bénéfice de tout le monde ».

Si l’on en croit les propos de Louis Guimon, son projet ne contreviendrait pas à cette volonté du maire. Le Collectif pour le bien vivre ensemble au Lion-d’Angers en doute. La portée associative et apolitique du projet est-elle réelle ? Les doutes de ses opposants sont-ils fondés ? La politique de rassemblement du maire sera-t-elle mise à l’épreuve ? L’avenir proche le dira. L’inauguration des lieux est prévue avant la fin d’année.

Hors texte 1« Ce local ne sera pas occupé par un mouvement politique »

Contacté par Le Courrier de l’Ouest, le nouveau locataire de l’ex-Café des sports de Segré, Louis Guimon, a accepté d’expliquer les raisons qui l’ont poussé à cette installation et la destination qu’il entend donner à ce lieu. « Si je ne renie en aucun cas mon parcours militant accompli au cours de mes études, le projet a une autre vocation » affirme M. Guimon, rejetant l’idée que son local puisse accueillir un mouvement identitaire, quel qu’il soit. « Il a été dit et redit que ce local commercial ne serait pas occupé par un mouvement politique » insiste-t-il.


Alors, quel projet y sera développé ? « L’objectif est d’y perpétuer un espace de convivialité centré sur le terroir, d’apprendre à brasser [Louis Guimon dirige l’association Brasserie Gorin] et cuisiner en s’amusant dans un cadre associatif dédié » détaille le locataire. Il précise que le lieu aura une vocation associative : « L’accès sera réservé aux membres souhaitant adhérer à l’association et participer aux programmations courantes ». Les locaux ne seront donc pas ouverts à tous, à l’exception « de divers événements, notamment dans le cadre de l’inauguration ».

L’ex-bistrot rénové et réagencé accueillera des espaces de convivialité, une cuisine, une salle destinée aux ateliers et, à l’étage, des espaces de travail collaboratif. « Ce projet est rejoint par un ensemble d’habitants du Nord-Anjou souhaitant trouver un lieu pour passer du bon temps tout en œuvrant pour la valorisation de leur patrimoine local » expose encore Louis Guimon, qui a fait le choix du Lion-d’Angers pour s’y installer personnellement, « en raison de sa proximité avec Angers et de la présence de proches ».


Concernant les inquiétudes d’habitants du Lion-d’Angers relatives à cette installation, elles sont balayées par Louis Guimon : « À l’échelle de la commune, ces inquiétudes n’existent pas, si j’en crois nos excellentes relations avec tout le monde. Elles sont créées et animées de toutes pièces par quelques individus souhaitant apeurer la population. L’inauguration prochaine permettra de dissiper toutes ces affabulations ».

Hors texte 2Le Nord-Anjou, terreau fertile pour l’extrême droite

Si la portée politique de ce nouveau local est écartée par son locataire, les membres du Collectif d’habitants qui s’y opposent n’y croient pas une seconde et constatent, depuis plusieurs mois maintenant, les allées et venues d’identitaires dans le centre du Lion-d’Angers. Une chose est sûre : le Nord-Anjou est un terrain propice au développement d’initiatives liées à l’extrême droite.

L’élevage porcin Les Blancs de l’Ouest, dont la présence d’un stand au sein des halles Biltoki d’Angers fait polémique, est installé à Ombrée-d’Anjou, près de Segré. Cette société familiale, dirigée par d’anciens militants de l’Alvarium, dispose son stand sur différents marchés du sud de la Mayenne et du nord du Maine-et-Loire, dont celui du Lion-d’Angers. Dans la même veine culinaire, l’entreprise La Flamme angevine est basée à Sainte-Gemmes-d’Andigné, toujours près de Segré. Celle-ci, menée par deux hommes, dont Jean-Eudes Gannat (fondateur de L’Alvarium et du Mouvement Chouan), propose des prestations de traiteur pour les mariages et autres événements.

L’association SOS Calvaire, qui œuvre pour la restauration et l’entretien des calvaires, oratoires et chapelles, est elle aussi installée au Lion-d’Angers. Si elle se décrit comme « apolitique », ses dirigeants entretiendraient, selon le site d’information Streetpress, des liens étroits avec l’extrême droite. Dans une interview disponible sur Youtube, l’un de ces dirigeants défend l’idée qu’un calvaire est « un étendard » permettant d’indiquer « ici, terre chrétienne ».

Enfin, l’institut l’Iliade organise une « formation jeunes » les 30 novembre et 1er décembre, au Lion d’Angers. Dans le programme, disponible en ligne, on apprend que sera notamment évoqué « l’islam conquérant [qui] gagne du terrain avec violence », ou encore la capabilité « de différencier l’ami de l’ennemi, les nôtres des autres » et que « sans discrimination, il n’est pas d’action ».

 
 
 

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