Crise de nerfs pour un lopin de terre
- amandinericart
- 23 avr.
- 3 min de lecture

Didier Godiveau ne s’en cache pas.
« J’ai la trouille »,murmure l’agri-
culteur dans sa cuisine au confort
rustique. Les yeux rougis par l’émo-
tion, Marie-Claude écoute son mari
dévoré par une dépression chroni-
que. Sam,leur fidèle petit chien, nous
tourne autour.
Sur la table, un épais classeur bleu
compile des dizaines de documents
soigneusement rangés dans des
intercalaires colorés. Rouge pour les
plaintes. Bleu foncé pour les cour-
riers au procureur. Vert pour les
ordonnances médicales. Orange pour
les rapports de médecine légale. « Au
total, j’en ai eu pour quarante jours
d’ITT (incapacité totale de travail,
N.D.LR.). En deux ans, j’ai perdu 18
kilos. J’ai été poussé à la retraite et hos-
pitalisé sous contrainte. Je viens de
passer une expertise psychiatrique »,
égrène le sexagénaire. Il évoque égale-
ment plusieurs tentatives de suicide.
« Ça va mal finir », craint une riveraine
Depuis plusieurs années, cet homme
aux cheveux grisonnants se dit victi-
me de harcèlement moral et de vio-
lences. Derrière ces accusations se
cache un conflit de voisinage qui
s’enlise depuis plusieurs années au
point de devenir une affaire sensible.
Insultes, coups bas, suspicions de
sabotage, agressions et menaces de
mort: des dizaines de plaintes pleu-
vent dans chaque camp. Du maire à la
sous-préfète en passant par les gen-
darmes etle parquet d’Angers, tout le
monde est au courant. Tout le monde
semble impuissant. « Un de ces jours,
ça va mal finir d’un côté ou de l’autre »,
craint une observatrice neutre qui
souhaite « absolument rester en
dehors de tout ça».
Installés depuis 1983 au Louroux-Bé-
connais, commune déléguée de Val
d’Erdre-Auxence, peuplée de 3 000
habitants et située aux confins de
l’Anjou et de la Loire-Atlantique, les
Godiveau exploitent 140 hectares de
terres céréalières et élèvent des
vaches laitières. Une vie de labeur
perturbée par l’arrivée d’un jeune voi-
sin au mitan des années 2010. Un
vieux litige immobilier longtemps
resté enfoui va éclater au grand jour.
Quarante-six centimètres
de trop...Plantons le décor : la maison occupée
par le voisin et sa famille est située au
pied de parcelles en pente, entre un
bâtiment public et un étang qui sto-
cke les eaux de pluie. L’habitation
-une ancienne grange transformée en
longère- empiéterait sur un des ter-
rains des Godiveau. « Quarante-six
centimètres exactement », souligne
l’agriculteur en brandissant un rap-
port d’un géomètre expert. La partie
adverse a sollicité une contre-exper-
tise, avant un dénouement attendu
prochainement devant le juge civil au
tribunal judiciaire d’Angers.
Il suffit de suivre Didier et Marie-
Claude sur le terrain litigieux, pour
mesurer à quel point l’atmosphère est
irrespirable. Au bout de cinq minutes
sur place, un véhicule de société des-
cend la petite route d’un kilomètre
avant de débouler dans la cour des
voisins. « Oh non, ce n’est pas vrai, c’est
lui ! », se désespère Marie-Claude. Le
visage de son mari devient pâle. Dos
courbé, épaules rentrées, sourcils
froncés, un trentenaire surgit de la
voiture. Pas de bonjour. Il pointe du
doigt de grosses souches d’arbres qui
bordent sa propriété : « Toi, tu vas me
dégager tout ça ! », lance-t-il à Didier
avec véhémence. « Et vous, vous êtes
qui ?», aboie-t-il en nous voyant.
(extrait de l'article de Frank de Brito paru dans le Courrier de l'Ouest le 17 Mars 2025)
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